21 avril 2009

Salut Carl!


Lors de mes deux séjours comme animateur à la station KYK-FM, il m’arrivait souvent de recevoir un appel de Carl Grenon. Carl était un mordu de radio qui ne se gênait pas pour appeler ses animateurs de radio préférés.

S’il y a une chose qui me distingue des autres animateurs de radio, c’est que j’ai eu la chance de bien le connaître, étant donné qu’il demeurait juste en avant de chez moi, dans le rang 2 à Falardeau. Dernier d’une famille de douze enfants, Carl était handicapé, tout comme trois de ses frères. Se déplaçant en chaise roulante, il m’est arrivé de le voir pendant mon enfance se mouvoir à l’aide de béquilles à quelques occasions.

Carl aimait beaucoup les animateurs de radio, et il aurait aimé pratiquer ce métier. Son état l’ayant empêché de le devenir, il est devenu un grand amateur de radio et un passionné de musique. Pour l’avoir déjà gardé à quelques occasions, laissez-moi vous dire à quel point son visage s’illuminait lorsque je lui amenais des disques contenant de la musique qu’il n’avait pas entendue depuis des années. C’était féérique!

En l’ayant côtoyé, j’ai pu ressentir et comprendre sa frustration de ne pas être né avec un corps normal. Cela provoquait en lui une colère qu’il ne sachait plus trop vers qui acheminer, sachant bien que ses parents n’y pouvaient rien. Heureusement pour lui, il y avait la radio pour lui permettre d’ensoleiller ses journées. Pour remercier les animateurs du bien qu’ils lui faisait, Carl les appelait souvent, trop même au goût de certains. Malgré ce petit défaut, Carl sachait se faire apprécier par ceux qui lui tenaient compagnie par l’intermédiaire de leur micro.

Le plus beau moment que j’ai vécu avec Carl était quand je lui ai fait visiter les studios de KYK à Chicoutimi, l’été dernier. Il est arrivé en transport adapté un dimanche matin pluvieux, et après lui avoir fait faire le tour des installations, je l’ai invité dans le studio pendant mon émission, que j’étais sur le point de terminer. Je lui ai envoyé un salut en ondes, et lui était là juste à côté de moi, le visage rayonnant de joie. Avant de partir, je lui ai donné un t-shirt de la station, qu’il a porté dès ce jour avec beaucoup de fierté.

Je l’ai vu une dernière fois avant de retourner à Montréal pour compléter mon certificat en journalisme. La rencontre a eu lieu dans la résidence où il demeurait depuis déjà quelques années, sur la rue Sainte-Ursule à Jonquière. Carl y était traité comme un roi, tout comme les autres personnes handicapées qui y demeurent. Il me racontait qu’il était très heureux de vivre à cet endroit. Sa santé était superbe, même que j’avais remarqué qu’il avait perdu du poids avec les années. Il était d’une sérénité incroyable, ce qui surprenait même celle qui veillait sur lui, Josée Perron.

En juillet 2006, Carl a eu la douleur de perdre en l’espace de quelques jours deux de ses frères. L’applomb avec lequel Carl a traversé cette épreuve avait grandement impressionné Josée, qui m’a avoué que jamais elle n’aurait pu faire face à un tel désastre avec autant de calme.

Même s’il vivait dans un corps qu’il aurait aimé normal, Carl trouvait le moyen de bien vivre sa vie et d’en apprécier chaque moment. Il ne laissait jamais son handicap entraver son bonheur. Son positivisme avait de quoi nous désarmer.

Nous, qui laissons parfois des conneries comme des dettes, du poids à perdre, des ruptures amoureuses et autres pacotilles assombrir nos vies, nous devrions prendre Carl comme exemple. Devant composer avec des contraintes infiniment pires que celles que je viens de mentionner, il trouvait toujours le moyen de rendre sa vie belle pour qu’elle lui paraisse moins cruelle.

C’était peut-être ça, sa mission sur terre. Celle de rapetisser nos tracas et de nous donner de l’inspiration pour pouvoir en venir à bout, ou du moins essayer, tout comme lui le faisait.

Le mercredi 15 avril dernier en soirée, Carl s’est couché comme il le faisait à chaque soir. Le lendemain matin, il ne s’est pas réveillé, le destin ayant profité de la nuit pour délivrer Carl de son corps en douceur et sans douleur. Il est parti comme un ange.

Carl a donc rempli sa mission, et il peut profiter pleinement de sa nouvelle liberté. De mon côté, je ne sais pas si je referai de la radio un jour, mais peu importe où le destin m’amènera, je sentirai certainement sa présence! Cependant, une chose est certaine : avec le culot et la culture qu’il avait, il aurait sans doute connu une belle carrière dans les médias si le destin l’avait voulu ainsi.

Salut Carl!!!
(1969-2009)
Photo : Avis de décès cyberpresse.ca

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Après presque un an suite au départ de Carl, je viens de prendre connaissance de ce témoignage qui est somme toute très émouvant.

Hé oui, il me manque beaucoup. Son dynamisme, sa gaieté légendaire, son enthousiasme face à la vie, me font défaut.

Oui, tel que tu as si bien l'explique, Carl avait un rapport privilégié avec tous les animateurs de la radio et il vous aimait énormément. Il avait toujours une nouvelle à annoncer parce qu'un animateur la lui avait raconté.

Merci Jean, pour ce merveilleux témoignage.
Claire Grenon

Anonyme a dit...

C vraiment touchant j'ai connue Carl grace a mon oncle qui sen occupai pendant un certain et il a trouvé dur de quitté son emploi quand il a du quité les freres Grenon